Il y a 25 millions d’années, on retrouvait un petit animal du nom de Proailurus, du latin pro qui veut dire avant et ailuros qui veut dire chat. Également appelé le Leman’s Dawn Cat, il n’est pas tout à fait l’ancêtre de notre chat domestique, mais on le considère comme l’animal qui est arrivé avant. On a découvert ses ossements en Amérique du Nord, en Asie, en Europe et en Afrique. Il est d’ailleurs intéressant de noter que les deux seuls continents qui n’ont jamais vu apparaître de chats avant l’arrivée de l’homme pour les y amener sont l’Océanie et l’Antarctique. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont adopté des règlements si sévères concernant l’importation de chats. En effet, leur écosystème, en grande partie composé de marsupiaux, n’est pas conçu pour contrôler de tels prédateurs qui pourraient faire des ravages s’ils parvenaient à s’y reproduire librement.
Survient alors une période appelée le cat gap, il y a 7 à 10 millions d’années. Durant cette période, on n’a plus trouvé aucune trace de félin nulle part sur la terre. Il y aurait apparemment eu une période de l’histoire dans laquelle il n’existait aucun chat!
Finalement, le véritable ancêtre du chat est apparu. Le Pseudaelurus a vécu sur terre il y a 8 à 18 millions d’années. Le premier Pseudaelurus (il y a eu plusieurs types) ressemblait beaucoup à notre chat domestique d’aujourd’hui par sa taille et sa forme. De lui, plusieurs branches de félidés sont nées pour finalement nous donner le Felis SilvestrisCatus, soit le chat domestique actuel.
Les « anciennes races »
La domestication du chat a débuté il y a 7 500 ans, quand l’homme est devenu sédentaire et a commencé à faire des réserves de grains qui attiraient les rongeurs qui eux, attiraient les chats. La palme de la race de chats la plus vieille est évidemment contestée, mais la majorité des sources nomme le mau égyptien comme remportant les honneurs. C’est sans surprise qu’on le retrouve dans la région du Croissant fertile et qu’il est rapidement devenu l’objet de cultes chez les Égyptiens, au point tel qu’ils en ont fait une déesse appelée Bastet, protectrice de la famille et qu’il était même interdit de sortir un chat d’Égypte sous peine de mort.
Pendant ce temps, en Asie, est apparu le bobtail dont les origines sont très nébuleuses. Il serait apparu entre le 5e et le 10e siècle après Jésus-Christ. Attention! Il ne faut pas confondre le bobtail avec le bobtail japonais qui lui est apparu officiellement en 1960.
Une autre race très ancienne nous vient des pays nordiques et, elle aussi, se retrouve dans la mythologie. La déesse nordique Freya se déplaçait en chariot tiré par deux chats, Bygul et Trjegul qui lui avaient été offerts par Thor lui-même. Le nom de la race, chat de forêts norvégiennes, ne donne aucun doute sur ses origines. Cette race partage, avec le maine coon, le prix pour la race de chat naturelle la plus grosse avec des mâles qui peuvent peser de 11 à 15 kg.
L’angora turque serait également une race apparue dans les régions nordiques entre le 5e et le 10e siècle. On dit même qu’il aurait été importé en France au 16e siècle et serait devenu la coqueluche de l’aristocratie du pays. Marie-Antoinette en aurait d’ailleurs possédé plusieurs, dont deux plus célèbres qui auraient embarqué sur un bateau en prévision de la fuite de la reine. Malheureusement celle-ci s’est fait couper la tête avant de pouvoir prendre le bateau. Il semble que ce dernier aurait malgré tout fait le voyage avec les chats de la reine jusqu’en Amérique du Nord, au port de Wisscasset dans le Maine. Ce sont eux qui auraient donné naissance à la race des maine coons. Ces derniers auraient d’ailleurs reçu ce nom, car on croyait que ces chats avaient été croisés avec des ratons laveurs (racoon en anglais) afin d’obtenir leur magnifique queue touffue. Cependant, une grande partie de cette histoire n’est que légende, car les analyses d’ADN des races montrent que le maine coon serait apparu seulement au 18e siècle. Or, 200 ans ce n’est pas beaucoup pour créer une race distincte alors qu’à l’époque il n’y avait aucune sélection artificielle de chats.
Plusieurs remarquent une génétique presque identique entre le van de Turquie et l’angora turc qui sont deux chats effectivement très semblables. De plus, on affirme que ces deux races seraient aussi anciennes l’une que l’autre, mais cela reste à prouver.
Les premières descriptions du korat se trouvent dans le Tamra Meow ou Traité des Poèmes des chats. C’est un recueil de vers richement illustré dont la rédaction commença en 1350. Selon la légende, le roi de Siam Rama V (1869-1910) commanda une copie du recueil et il découvrit un magnifique chat aux couleurs bleues. Il décida de lui donner le nom de la province dont il est issu : le Plateau du Khorat. Voilà pourquoi on dit souvent que le korat aurait des origines au 14e siècle. Malgré tout, les preuves scientifiques actuelles permettent d’en confirmer l’origine à la fin du 18e siècle seulement.
L’âge d’or des races de chats
Mais qu’en est-il des siamois que plusieurs tableaux montrent comme étant les fameux chats des Égyptiens? Cette représentation est une erreur, car le siamois n’est apparu seulement qu’entre le 14e et le 17e siècle. Le siamois est une race très significative dans la sélection artificielle des chats, car elle a servi à la création de près de 15 races de chats qui existent aujourd’hui. Son poil pointé (foncé à la pointe) ainsi que ses yeux bleus sont deux caractéristiques qui sont très recherchées pour créer plusieurs autres races comme le balinais, le tonkinois et l’oriental à poil court. Le siamois est également, avec le persan, la race de chat qui a connu la plus grande transformation physique, résultat de la sélection artificielle. Aujourd’hui, il existe même deux sortes de siamois : le siamois standard et le siamois moderne, beaucoup plus élancé avec de grandes oreilles et le nez très allongé.
Pour revenir au persan, il fait partie d’une catégorie de races de chats très spéciale avec le British shorthair et le singapura (la race de chat la plus petite). On dit que ces races sont anciennes, mais elles ont perdu leur code génétique d’origine. Les analyses d’ADN de tous les représentants de ces races pointent leurs débuts à la fin du 18e siècle alors que plusieurs textes nous démontrent que ces races étaient là bien avant. On trouve des mentions du British shorthair dans des textes juridiques datant du 10e siècle. Plusieurs explications sont possibles, comme celle du chartreux dont les origines remonteraient au temps des croisades, mais qui a pratiquement disparu au début du 20e siècle. Deux sœurs ont entrepris une reconstitution de la race à partir de rares colonies notamment celle de Belle-Île.
La première exposition de chats de race a eu lieu à Londres en 1971. De là, on a créé et modifié plusieurs races. Aujourd’hui, il y a entre 70 et 100 races reconnues officiellement par différentes associations. Cependant, il y aurait près de 130 races différentes et une nouvelle chaque 5 ans. Certaines naissent simplement de mutations génétiques comme le lykoi et le sphynx, qui est la seule race de chat originaire du Canada, ou encore le munchkin (aussi appelé napoléon) avec ses petites pattes. D’autres sont créées de toutes pièces et au prix de beaucoup d’efforts. C’est le cas des bengals et savannahs et du tout nouveau caracat, issus de croisements entre des chats sauvages et des chats domestiques, croisements qui sont loin d’être naturels. À preuve : les mâles issus de ces croisements sont stériles pour 5 générations à venir. C’est pour dire à quel point la nature n’avait pas prévu que l’on fasse ce genre de croisements.
Voilà pourquoi on dit qu’il existe des races naturelles (bobtail, manx, chat de forêts norvégiennes), des races établies (birman, British shorthair, maine coon) issues de variations entre différentes races de chats et finalement des races hybrides issues du croisement avec des félins sauvages (bengal, savannah).
La dérive
L’histoire des races nous montre que, contrairement aux chiens où l’on retrouve des formes et des grandeurs très différentes, les éleveurs de chats n’ont pas cherché à trop modifier la physionomie des chats même si, malheureusement certaines races en ont fait les frais. C’est le cas du persan sur une très courte période. Si l’on regarde les photos de champions du début du 20e siècle et ceux d’aujourd’hui, on ne croirait pas qu’il s’agit de la même race. Le persan de jadis avait le même nez bien pointé vers l’avant du chat domestique d’aujourd’hui alors que les gagnants des dernières années ont le nez renfoncé, ce qui cause plusieurs problèmes de santé.
Concluons cet article avec une réflexion et un questionnement de Daniel Filion, intervenant en comportement félin chez Éduchateur:
« Sachant que plusieurs races présentent des problèmes de santé graves par cette volonté à maintenir des standards qui sont loin d’être naturels, ne faudrait-il pas remettre ces standards en question? Ces transformations ont été faites dans un but purement esthétique pour tenter d’avoir un animal « différent » des autres, mais qui ne servent aucune fonction pratique. Le gros problème ne serait-il pas que ces transformations sont poussées au point de faire souffrir des animaux? Comme par exemple, le persan dont plusieurs lignées présentent maintenant des problèmes respiratoires et buccaux à cause de leur nez de plus en plus enfoncé.
Je n’ai rien contre les chats de race. J’en possède moi-même deux et je suis bien d’accord de préserver leur caractère unique. Néanmoins, lorsqu’on comprend que la très grande majorité des races sont créées de toute pièce ou encore résultant de l’exploitation d’erreurs de la nature, ne faudrait-il pas quand même parvenir à se responsabiliser dans notre volonté à vouloir créer des races spéciales dans le but de plaire ou d’être différent, surtout si les manipulations font en sorte de créer des animaux qui souffrent de ces transformations? »